mercredi, décembre 06, 2006

Antarctique

En rentrant, je traverse le Campo de' Fiori (litteralement le champs aux fleurs) où se situe le marché. Vers 6h et demie, alors que les éboueurs ont lavé tous les restes de légumes et de fruits que les maraîchers avaient laissé sur le sol, les pavés sont encore mouillés et glissants. Il faut marcher dessus comme l'on marche sur de la glace : poser le pied bien à plat et le relever en poussant sur la plante, tout en gardant le poids au centre du pied, sous le tibia. Surtout ne pas pousser sur la pointe, ce qui risquerait de déplacer l'appui et provoquerait la glissade.
Je m'amuse à m'imaginer marchant sur ce lac de glace noire, la lune luit en haut entre les terrasses. Je marche sur un lac, le vent me caresse le visage, il n'est pas encore froid. Les gens qui passent sont comme une brume qui m'enveloppe, me frôlant sans me déstabiliser, un brouillard montant ou des nuages qui descendent se poser sur la plaine.
L'étendue glacée du lac se termine en se rétrecissant ; déja l'eau n'est plus solide mais, sortant de sous la glace, cours dans son lit. Je saute sur des roches plus sures, à l'accroche meilleure. Les voitures sont des flots qui m'éclaboussent de leur gaz d'échappement, grondant comme une rivière en crue. Tous les soirs les eaux se répendent dans la ville, comme poussées par une vague perpétuelle. Mes rochers me portent au milieu de la rivière ; j'ai juste le temps de sauter sur l'arête d'un trottoir avant que les galets rectangulaires d'un passage piéton ne se fassent renverser et emporter par le courant. L'arête du trottoir devient l'arête d'une congère : d'un côté, le gauche, vers le sud-ouest, la pente douce du névé me porte dans la brume, de l'autre, versant nord, la congère s'effrite au dessus du vide. Les voitures deviennent des bourrasques qui me frôlent et manquent de me faire tomber.
Le vent est devenu froid, j'avance prudemment sur cette couche de neige devenue glace. Je pense aux étendues blanches de l'antarctique où le soleil ne se couche plus. Et cet été encore, des terrassiers américains continuent d'y construire une route pour rejoindre le pôle Sud. Des derniers hectares de terres encore vierge de notre monde ne le seront plus ; les traces des traineaux laissées là il y a bientôt cent ans par Amundsen et ses co-équipiers, gravées dans la glace par la pression des patins et que la fraicheur de l'été ne suffit pas à effacer, rejointes depuis par d'autres explorateurs courageux, ne seront bientôt plus les seules traces humaines dans ce monde pour lequel nous ne sommes pas adaptés.
Pourquoi faut-il que les américains fassent toujours ce genre de trucs?..
Erratum, le projet a été depuis co-signé par les signataires du Traité de l'Antarctique, dont la France. Stupides français...

ciao
yvan
http://www.asoc.org/media/11.27.04.Stuff.Hillary.htm
http://subs.nzherald.co.nz/location/story.cfm?l_id=2&objectid=10384923

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