lundi, janvier 15, 2007

Marché aux puces et au CO2

Ce matin, je passais sur le trottoir de la rue Petroselli, juste avant la place della Bocca della Verità, lorsque j'aperçus les jambes d'une femme, les chevilles et les talons joints, dans des bottines de cuir, couchée à même le sol. Les passants qui marchent devant moi me cachent son visage de leurs manteaux longs, et leurs jambes qui s'entrecroisent ne laissent passer que la couleur de sa veste. Entourée par un petit groupe, qui fume et qui discute, totalement indifférent, elle est couchée sur les pavés, entre les scooters qui la protègent. Deux policiers patientent un peu plus loin. Ses bottines sombres semblent couper en ce point la ligne blanche qui sépare la route, les voitures ralentissent à son approche, une dame traverse en aboyant après celles qui ne la laissent pas passer. Je comprends que l'ambulance n'arrivera plus. Peut-être parlera-t-on d'elle dans les faits divers, de cette dame gisant entre les pieds de ceux qui la protègent trop tardivement.

Samedi, mes idées n'étaient pas encore noires, je flânais même joyeusement dans les rues, pour une fois vides des passants qui se poussaient alors dans les magasins. Soldes. J'en profiterai pour changer mes chaussures qui supportent mal les pavés romains. Le marché sous les platanes, à côté de chez moi, étalait ses poissons et sentait bon la mer.


Le National Geographic parle de la déforestation en Amazonie, d'une expédition au Pôle Nord qui finit bien, des migrations des baleines à bosse et de celle, amoureuse, des colibris. Des choses dont on ne parlera bientôt plus, quand le Mato Grosso aura changé son nom (littéralement : épaisse brousse) pour celui de Grande Campo de Soja Que Engorda os Proprietários Terrestres (lit.: grand champ de soja qui engraisse les propriétaires terriens), que les expéditions au Pôle Nord se feront en bâteau et finiront toujours bien, et que baleines et colibris n'auront plus besoin de migrer. Beau monde que celui-là, destiné à nous faciliter les tâches. Et les taches.

Devant le Castel San Angelo, une patinoire. Malgré la fraicheur de la glace, il fait chaud. Lili Allen "makes me smile".Je finis Senilità d'Italo Svevo sur la Piazza del Popolo, sous les rayons du soleil qui se couche.

En rentrant, je tombe sur la librairie Il Mare, qui possède un grand nombre de tout ce qui se fait sur le sujet.

C'est dimanche que les idées noires me sont venues. Vertes plutôt. J'avais décidé d'aller me balader vers le Trastevere, de l'autre côté du Tibre, donc. J'y suis allé par le Gianiculo, pour dire bonjour à Garibaldi et profiter du calme des hauteurs. Le jardin d'une ambassade des Etats-Unis

En bas, un immense marché aux puces s'étend sur près d'un kilomètre. Dans le style du marché en plein air de Saint-Ouen, on y trouve de tout: des ferrailleurs, des machands de livres, des gens qui semblent vendre tout ce qu'ils ont, et qui, pour certains, se résume à un nain en plastique ou de vieux bibelots étendus sur une couverture poussiéreuse, des contrefaçons vendues le prix fort sous l'oeil des policiers impuissants (ou bienveillants), des kilos de
 mécanismes de réveils inutilisables, des sacs de noeuds (au sens propre du terme) de fils de chargeurs de téléphones portables, un ordinateur portable, qui fait tellement l'intrus sur ces traiteaux qu'il doit être en aussi bon état que le moteur de bâteau démonté, d'autres proposent des rideaux, un peu de couleur, des disques, un peu de musique, des montres et des pistolets à plomb, des façades de téléphones portables, des piles, des composants électriques, des clefs USB à des prix défiant toute concurence officielle, des choses en plastique, des dvds, et toutes les choses que notre société occidentale a envoyé fabriquer en Asie, qui nous revient et que nous achetons, utilisons, stockons, oublions, revendons pour que d'autres les achètent, les vendent à ceux qui les rachèteront et les revendront, puis les réutiliseront et les oublieront de nouveau et ainsi de suite jusqu'à ce qu'ils finissent sur la couverture poussiéreuse d'un clochard italien ou d'une dame des Balkans, maigre espoir de nourir un jour ou une famille.
Et moi, au milieu de la foule qui me presse et me transporte, mes idées vertes me rendent l'âme triste: l'écologie serait-elle un truc de nantis? Qui dans ce millier de personnes pense à l'avenir de la planète qui s'étale sous ses yeux? Plutôt, qui a assez peu de problèmes quotidiens pour penser à l'avenir de la planète? Les glaces du Pôle Nord et la forêt Amazonienne? Lequel de ces visages que je croise pense comme moi que ces piles à 1€ les 5 ne sont pas une solution à la polution industrielle? Comment un futur président prendra en compte ces problèmes environnementaux alors que la moitié de la population française n'a que le Smig et une bonne partie que quelque chose en dessous du Rmi? C'est bien de faire des machines à laver et des frigos qui respectent des exigences d'économie d'énergie, mais combien achètent des machines à laver et des frigos d'occasion qui ne respectent pas ou plus ces exigences d'économie d'énergie? Proposer des dédouanements fiscaux et des baisses d'impôts à ceux qui mettent des panneaux solaires et réaménagent leurs maisons en HQE, mais combien de personnes sont en dessous du seuil imposable et par conséquent sont en dehors de ces aides?
En repartant de là, je suis le Tibre, qui à la sortie de la ville s'exite un peu et accroche aux platanes qui le bordent des lambeaux de plastique. Un peu plus loin, je croise les bidonvilles au bord de l'eau ; de la chaleur sort d'un tuyau de poêle.

ciao
yvan

Post Scriptum, qui a beaucoup à voir : je vous conseille "Dol"de Philippe Squarzoni. Après "Garduno, en temps de paix" et "Zapata, en temps de guerre" (que vous trouverez dans "toute les bonnes librairies" ou dans ma chambre sous le Vélux), Squarzoni s'est attaqué aux politiques libérales des années raffarines et villepines avec autant de fougue et les met finallement en relation avec nos tout "nouveaux" problèmes environnementaux. En droit, on dénomme dol "l'ensemble des agissements trompeurs ayant entraîné le consentement qu'une des parties n'aurait pas donné, si elle n'avait pas été l'objet de ces manoeuvres". Une très bonne BD, bientôt dans ma chambre.

2 commentaires:

claire - the biggest than the little one a dit…

pour éviter de broyer du noir et de nous prédire l'apocalypse verte d'une humanité aux couleurs déchirées, lis le lièvre de Vatanen (peut-être ke tu connais déjà)d'Arto Paasilinna, un finlandais (on dit finnois? ché pas)... C'est exactement ce qu'il te faut pour te prouver que tu n'es pas le seul à penser à l'avenir de la plus belle planète que je connaisse -et j'm'y connais- j'ai nommé: la Terre!

claire - the biggest than the little one a dit…

ah m... j'ai fait une faute d'anglais.